Les différentes méthodes de culture en aquaponie

Quand on débute l’aquaponie on se demande quelle méthode de culture choisir. Le mieux à notre sens est de coupler les trois méthodes de culture différentes dans le cas d’aquaponie non commerciale. Pour l’aquaponie commerciale il faut mieux partir sur la culture DWC qui est la culture sur rafts, radeaux en français.

On définit une méthode de culture hors-sol à partir du moment où celle-ci est située au-dessus du sol tel un jardin traditionnel. Plus précisément, Philippe Morard en 1995 a défini les cultures hors-sol de la façon suivante : « ce sont des cultures de végétaux effectuant leur cycle complet de production sans que leurs systèmes racinaires aient été en contact avec leur environnement naturel, le sol. » Évidemment, ce type de culture ne propose que des volumes réduits pour le développement racinaire. Il est donc improbable de faire pousser des cultures avec les systèmes racinaires très importants bien qu’on voit parfois des aquaponistes cultiver des arbres dans leurs systèmes.

 

Il y a trois principales techniques hydroponiques qui sont utilisées avec l’aquaculture. L’association des deux s’appelle l’aquaponie. À travers le monde, les trois techniques les plus utilisées sont la culture sur raft, la culture NFT (horizontale ou verticale) et bien sûr la culture sur lit de substrats inertes. Ces trois types de culture ont tous le bassins des poissons et le lit de plantes situés hors-sol moyennant un système de filtration et de plomberie.

 

Voici une petite illustration des trois principales techniques que nous vous présentons aujourd’hui grâce à l’aimable autorisation du site « Backyard Aquaponics ».

 

La culture aquaponique sur radeaux flottants (rafts ou DWC)

Aquaponie sur radeaux DWC RaftOn appelle communément la technique du raft le DWC Deep Water Culture. L’actualité et les techniques aquaponiques n’étant pas légion sur les sites français, il est courant de la voir ainsi nommée. Et pour cause, c’est la technique la plus utilisée en aquaponie même si on la retrouve le plus souvent sur les systèmes à grande échelle. Le plan de production et la rotation de cultures sont facilités grâce à cette technique. Les rafts sont des plaques flottantes qui sont la plupart du temps en polystyrène extrudé d’une épaisseur de 30 à 50 mm. Ces plaques sont directement posées sur l’eau avec une profondeur oscillant entre 15 et 30 centimètres. On y trouve un substrat inerte dans lequel sont plantés les végétaux qui sont disposés dans des pots emboîtés dans les rafts. Les trous faits dans les plaques sont étudiés au préalable et adaptés en fonction de la stratégie de production souhaitée.

 

Exemple de culture sur raft à petite échelle de type « Backyards » Source : FAO 2014
Exemple de culture sur raft à petite échelle de type « Backyards » Source : FAO 2014

C’est une technique qui fonctionne en flux continu avec un niveau d’eau constant. Les racines des plantes sont constamment irriguées dans une eau parfaitement oxygénée à l’aide d’un bulleur. Les racines se développent et sont complètement immergées dans l’eau. Beaucoup de personnes pensent qu’il faut mettre les poissons dans l’eau située sous les rafts. C’est une idée fausse. En effet les poissons rejettent de l’ammoniaque (Nh4+) qui est toxique pour eux comme pour les plantes et en plus de cela, il arrive que les poissons mangent les racines des plantes, perturbant alors leur croissance.

C’est la raison pour laquelle les deux compartiments doivent être bien séparés. L’eau qui retourne des plantes vers le bac à poissons doit être filtrée afin d’éliminer le maximum de particules et d’azote dissous qui peut être toxique. L’espace entre les racines des plantes et la surface sous les rafts sont un premier départ pour les bactéries nitrifiantes. Mais cela n’est pas suffisant d’où la nécessité d’avoir un compartiment de filtration biologique précisément dimensionné.

 

Les films nutritifs (NFT)

Culture aquaponique NFTLa seconde méthode est la culture hors-sol de type NFT (Nutrient Film Technique). L’eau riche en nutriments est pompée dans de petites rigoles fermées où l’eau s’écoule en flux permanent dans le système. En premier lieu au travers de composants de filtration pour ensuite atterrir sur des gouttières légèrement inclinées sur lesquelles se trouvent les plantes en pot dans du substrat inerte et qui arrivent ainsi à capter les nutriments indispensables à leur croissance. Cette eau est ensuite réinjectée dans le bassin des poissons. La pente est inclinée de 1 à 3 % faisant ainsi s’écouler un film d’eau très fin vers le bas de chaque canal des gouttières. Il est conseillé de maintenir un débit de 1 à 2 l d’eau par minute. La solution nutritive se charge en oxygène par son déplacement dans les gouttières qui offrent ainsi une grande surface d’échange entre l’air et l’eau.

Exemple de culture NFT à petite échelle de type « Backyards » Source : FAO 2014
Exemple de culture NFT à petite échelle de type « Backyards » Source : FAO 2014

 

Lits de substrats inertes (MFG)

Culture aquaponique avec substratCette culture est appelée chez les anglophones MFG autrement dit Media Filled Growbed. C’est la technique employée communément dans une installation aquaponique de loisirs par les particuliers et à petite échelle. La maximisation de la production n’est pas le but premier et permet une culture d’une large gamme de végétaux. On retrouve souvent des tomates, des concombres et des fraises dans ce type de système aquaponique. Ce système nécessite un bac contenant un substrat neutre et inerte comme les billes d’argile expansée et le gravier pour le compartiment végétal. Il sert à la fois de support pour les plantes et de milieu de culture. Les plantes sont irriguées en permanence ou en discontinu à l’aide d’une solution nutritive apportant les sels minéraux nécessaires à la croissance directement au niveau des racines. On utilise ce système de deux manières différentes : soit l’eau a un débit continu comme le type raft ou NFT, ou bien en discontinu par inondations et drainages successifs « ebb & Flow » grâce à l’aide d’un siphon-cloche.

Cette dernière technique requiert un siphon cloche qui est utilisé pour le drainage de l’eau. Des résidus organiques qu’ils soient solides ou dissous, sont décomposés et minéralisés dans le substrat grâce aux bactéries hétérotrophes et au vers de terre qui ont préalablement été  ajoutés et qui s’y développent.

Cette technique a cependant un défaut majeur. Il se situe à l’échelle commerciale avec un risque d’accumulation d’éléments minéraux, le phosphore et le calcium, dans le lit de culture. Cette accumulation va nuire à la nutrition des plantes en inhibant l’absorption d’autres nutriments essentiels. La solution consiste en un lessivage complet du lit de culture et du milieu de croissance de manière régulière. En outre, à long terme on constate une accumulation excessive de matières organiques ainsi qu’un colmatage des médias induisant la création de relargage de composés toxiques et de zones anaérobies.

Exemple de culture MFG à petite échelle de type « Backyards » Source : FAO 2014
Exemple de culture MFG à petite échelle de type « Backyards » Source : FAO 2014

 

 

Étude comparative des trois techniques principales d’aquaponie

Voici un tableau récapitulant les avantages et inconvénients des différentes techniques de culture en aquaponie:

Tableau de comparaison des méthodes de culture

Lennard (2006)

Il a réalisé une étude comparative sur le rendement des trois systèmes et ses conclusions sont les suivantes.

Le rendement de culture végétale est supérieur sur la méthode du gravier. Les rafts arrivent en seconde position et en dernier la technique NFT. Pour le rendement épuratoire, le NFT là encore, est moins efficace que les deux autres. On notera cependant que cette étude a été réalisée sur une période de 21 jours. Beaucoup s’accordent à dire que c’est insuffisant pour mesurer les effets à long terme des trois systèmes ainsi que l’évolution de tous les paramètres.

Il sort de cette étude que la technique NFT est certainement la moins adaptée à l’échelle commerciale car elle présente de nombreuses contraintes et inconvénients sur le long terme. La technique sur substrat inerte est efficace. Mais l’accumulation de déchets pourrait avoir à long terme un impact négatif sur les structures que l’on réservera à des activités de loisirs. À échelle commerciale, c’est la technique des rafts qui est utilisée car elle présente beaucoup d’avantages et que les inconvénients sont acceptables.

 

Love et al (2004)

Ils ont mené des études statistiques sur les différentes techniques et ont parcouru le monde pour récolter des informations auprès de jardiniers aquaponiques. Voici leurs résultats.

86 % utilisent des substrats inertes de type gravier ou fibre de coco. 46 % utilisent les rafts. 19 % utilisent le NFC. 17 % utilisent des tours verticales. La plupart des systèmes sont de petite taille et à l’échelle de particuliers. On trouve encore trop peu d’installations commerciales.

  • Il existe des systèmes de culture verticale qui permet une optimisation très importante de l’espace disponible. L’eau est réduite à son strict minimum avec un fonctionnement de goutte-à-goutte. C’est un système que l’on retrouve généralement en milieu urbain ou périurbain.
  • La technique de l’aéroponie a le vent en poupe et consiste à asperger un brouillard très fin de solution nutritive directement sur les racines des plantes. On observe ainsi une économie d’eau conséquente mais le problème du colmatage de la plomberie est toujours présent.
  • Il existe des systèmes de goutte-à-goutte sur du pain de coco. Le risque majeur est le colmatage des circuits.

 

Source : Foucard P., Tocqueville A., Gaumé M., Labbé L., Lejolivet C., Baroiller J.F., Lepage S., Darfeuille B. (2015) – L’aquaponie, une association vertueuse des poissons et des végétaux en eau douce: synthèse technique, économique, et réglementaire. Projet APIVA® (AquaPonie, Innovation Végétale et Aquaculture).

 

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13 réponses à “Les différentes méthodes de culture en aquaponie

  1. Slt et merci pour cet article. J’avais un peu le doute et suite à la lecture de votre article ainsi que celle du FAO dont vous avez parlé dernièrement, j’ai réussi à trouver un bon compromis: un peu de raft et un peu de substrat. Par contre j’hésite encore pour les poissons car les truites d’élevage ne se reproduisent pas et que je cherche l’autonomie… et manger des carpes ça me tente bof car j’y ai déjà goûtélors de mes voyages. Reste le tilapias mais bon chauffer l’eau c’est un peu aller à contre sens. La perche a l’air pas mal mais c’est interdit de transporter celles que j’aimerai élever… bon parfois les interdits il faut les dépasser ein! merci pour votre site. ARN0.

    1. Bonjour Arnaud, n’hésite pas à venir publier les photos de ton installation sur http://www.akaponik.com
      Sinon pour tes perches, tu peux toujours opter pour des perches classiques qui ne sont pas interdites mais elles grandissent moi vite ça c’est sûr. Sinon il reste l’option dont tu parlais… faire ta loi 🙂 A bientôt.

  2. Bonjour,

    Etant l’auteur du document « source », je me permet de rajouter la citation du document au complet, issu du programme APIVA 😉 !

    Foucard P., Tocqueville A., Gaumé M., Labbé L., Lejolivet C., Baroiller J.F., Lepage S., Darfeuille B. (2015) – L’aquaponie, une association vertueuse des poissons et des végétaux en eau douce: synthèse technique, économique, et réglementaire. Projet APIVA® (AquaPonie, Innovation Végétale et Aquaculture).

    Pour ceux que cela intéresse, cette synthèse est disponible au complet sur le lien ci-dessous, après remplissage du sondage:
    http://limesurvey.acta-informatique.fr/index.php/survey/index/sid/281766/newtest/Y/lang/fr

    Bien cordialement.

    Pierre Foucard

        1. De rien! 🙂 Merci pour ton boulot et celui de ton équipe qui arrivez à croiser données théoriques et données pratiques. C’est ce qui manque le plus actuellement.

          Les sources d’Apiva étant principalement anglophones on risque d’avoir pas mal d’articles similaires étant donné que je traduis régulièrement des articles du FAO, Backyards, BrightAgrotech, etc.

          Quoi qu’il en soit quand je m’inspire d’article ou que je les remanie, je n’oublie jamais de citer la source 🙂

  3. Intéressant, voire même très intéressant. Les avantages de chaques système sont bons à connaître. Mon système aquaponique sera prêt pour le printemps 2016 grâce à tes conseils <3

  4. j’ai découvert l’aquaponie suite à cet article vu sur FB et ça m’a l’air pas mal
    étant hydroponiste à mes heures perdues je vois déjà la reconversion

  5. Bonjour,
    merci pour ce site formidable !
    voilà actuellement, je suis entrain de concevoir mon système aquaponique pour culture sur raft mais je me pose des questions sur quel type de polystyrène utiliser ? Dans vos systèmes, quel polystyrène utilisé vous et où serait-il possible de s’en procurer ? Je me demandais aussi si il serait possible d’utiliser autre chose que du polystyrène ?
    Merci d’avance pour votre réponse
    Cordialement.

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